Forgerons habiles et dotés d’une grande sagesse, les nains sont des personnages symboliques de la mythologie nordique. Ces êtres légendaires sont en effet présents dans de nombreux mythes et légendes scandinaves, souvent comme antagonistes des dieux.
Loin de ressembler aux caricatures des croyances populaires contemporaines, les nains sont des créatures étonnantes et fascinantes que nous vous proposons de découvrir à travers cet article.
Origines des nains dans la mythologie nordique
La création des nains est décrite dans de nombreux anciens récits nordiques, notamment de l’Edda poétique et de l’Edda en prose. Le poème eddique Völuspá consacre une grande partie à la création des nains et cite également les plus célèbres de la mythologie viking, dont est tiré cet extrait :
« Et cinq cents nains forgèrent dans la guerre beaucoup de choses et de grandes merveilles à montrer. Cinq étaient en commandement. Les nains qui firent le ciel et la terre et l’air, celui-là fut le début de tout, il a soufflé. Et la porte, que les nains furent du corps dont les hommes furent créés, et les nains furent dans la terre comme des serpents. »
Cette strophe a donné lieu à différentes interprétations. La version la plus plausible est que les nains seraient à l’origine de la création de l’humanité. En tant que forgerons émérites, ils auraient façonné des êtres ayant une apparence humaine.
Snorri Sturluson a également repris de nombreuses informations dans son Gylfaginning. Il y parle du géant Ymir dont le corps est démembré par Odin et dont le sang aurait servi à créer le monde. Ainsi, le dieu suprême viking aurait accordé aux nains la capacité de raisonner et de réfléchir.
Par ailleurs, cet historien du XIIIe siècle décrit les nains comme les vers se nourrissant de la dépouille du géant primordial. C’est pourquoi, ils continuent de vivre sous terre, dans de sombres galeries et au milieu d’énormes rochers de pierre. Voici un extrait de Gylfaginning citant des nains légendaires :
« Alors les dieux siégèrent dans la salle du jugement,
Les divinités suprêmes se consultèrent
Pour savoir qui donnerait forme au peuple des nains,
Issu du sang de Brimir et des os de Blain.
Etaient présents Modsognir, devenu le plus grand de tous les nains,
Et Durinn, le deuxième ; ils façonnèrent un grand nombre
D’êtres à forme humaine, les nains dans la terre. »
De plus, Snorri Sturluson précise que quatre nains sont positionnés aux différents points cardinaux afin de soutenir le ciel formé par le crâne du géant Ymir, à savoir : Nordri (Nord), Sudri (Sud), Austri (Est) et Vestri (Ouest). En effet, dans le poème scaldique Olafsdrápa du Xe siècle, le ciel alors appelé « níðbryðra Norðra », est décrit comme étant maintenu par des poutres portant le nom de « dvergar« , signifiant « nain » en vieux norrois.
À quoi ressemblent les nains dans la mythologie nordique ?
Il est important de savoir que les anciens récits païens ne font nullement mention de la petite taille des nains dans la mythologie nordique. Cette interprétation est bien plus récente mais est restée néanmoins ancrée dans la culture germanique. Or, il y a fort à parier qu’ils étaient plus petits que les êtres humains ou les elfes, dont ils seraient totalement à l’opposé.
Effectivement, le nain est souvent représenté comme un être laid et aux traits disgracieux. Selon certains récits, leur peau serait d’un noir profond, rappelant ainsi leur lien avec la mort. Souvent barbus et poilus, ils possèdent une morphologie massive, nécessaire pour leur travail de forgeron.
En outre, les nains sont réputés pour être de vilaines créatures, avides de pouvoir et de richesse. Dans certaines légendes, il est raconté que les nains vivent dans des lieux souterrains car ils craignent la lumière. Une exposition à la lumière du jour les pétrifierait pour toujours en statut de pierre.
Les nains, des forgerons et des magiciens respectés
Les légendes vikings racontent que les nains sont les habitants de Svartalfheim (connu également sous le nom de Nidavellir). Un monde souterrain, implanté sous le royaume des hommes, Midgard, en plein cœur des montagnes. Les nains ont taillé la pierre avec hargne pour créer d’immenses galeries et des grottes dans lesquelles leurs forges sont abritées.
Dans la mythologie nordique, les nains sont effet des forgerons extrêmement habiles. Leur art est si beau que les dieux font souvent appel à eux pour créer des bijoux, des armes et des trésors magiques.
En plus de manier parfaitement l’enclume et le marteau, les nains sont de grands magiciens. L’exemple le plus parlant est celui des deux nains Brokkr et Eitri qui ont fabriqué de nombreuses armes légendaires pour les dieux.
Autre légende pouvant illustrer les pouvoirs des nains, celle de Fáfnir. Un nain puissant totalement aveuglé par la cupidité et qui use de son pouvoir de métamorphose pour se transformer en un dragon redoutable et protéger son trésor maudit.
Les nains et les elfes noirs
Dans la culture contemporaine populaire, les elfes sont une race à part entière et totalement à l’opposé des nains. Les elfes noirs sont d’ailleurs considérés comme des êtres maléfiques et sournois. Or, une confusion est souvent faite dans la mythologie viking à cause du terme « svartalf« , utilisé pour nommer les nains mais qui signifie « elfe noir« .
Cependant, les svartalfs ne sont en rien les magnifiques créatures longilignes qui peuplent les forêts, comme dans le récit du « Seigneur des anneaux » de Tolkien. D’après Snorri Sturluson il s’agirait bien d’hommes trapus réputés pour leur force herculéenne.
Les nains légendaires de la mythologie nordique
Les nains peuplent de nombreuses croyances nordiques en jouant un rôle important auprès des dieux. Nous allons explorer ci-dessous l’histoire des nains les plus mythiques des récits scandinaves.
Hreidmar, le roi nain et Fáfnir le dragon
Dans certains écrits nordiques, Hreidmar est présenté comme un roi nain, père de Regin, Fáfnir, Otr. Il vit dans une somptueuse demeure construite par son premier fils Regin. L’histoire décrit une maison incrustée d’or et de pierres précieuses. Son destin est lié aux trois dieux vikings : Odin, Loki et Hœnir puisque lors d’un voyage, Loki tue accidentellement son fils Otr, transformé en loutre pour son plaisir.
L’anneau maudit d’Andvari
Face à cette perte immense, Hreidmar exige de Loki une rançon pour libérer Odin et Hœnir qu’il retient en otage. Il vole alors le trésor fabuleux d’un autre nain, Andvari mais qui contient une bague précieuse. Alors que Loki refuse de la rendre à Andvari qui le supplie, celui-ci jette un sort à l’anneau afin qu’il apporte malheur et mort à celui qui le porte.
Malgré la malédiction rapportée par Loki, le roi nain accepte le butin qu’il compte partager avec ses deux autres fils. Or, la malédiction débutant son œuvre, Hreidmar rongé par la cupidité veut garder pour lui seul le trésor.
La folie de Fafnir
Fous de rage face à ce refus, Fafnir et Regin décident de tuer leur père pour s’emparer du trésor. Fafnir récupère ainsi l’anneau maudit qui commence à s’emparer de lui. Aveuglé par ses richesses, il refuse de léguer une part à Regin et se transforme alors en un gigantesque dragon.
Dans la peau de cette créature redoutable, il peut protéger ses biens les plus précieux, dont la bague d’Andvari. Atteint de folie, il se réfugie dans une crotte pour contempler ses richesses éternellement. Or, l’arrivée de Sigurd signe la fin de Fafnir qu’il tue en le transperçant de son épée Gram.
Fjalar et Galar, les créateurs de l’hydromel poétique
L’histoire des nains Fjalar et Galar est certes moins connue que celle de Fafnir, mais elle a tout de même son importance. Un récit scandinave très ancien explique que les deux frères nains tuent le dieu Kvasir afin de récupérer son sang pour créer le fameux hydromel poétique. Or, cette boisson divine est très convoitée par un couple de géants : Gilling et son épouse (dont le nom est inconnu). Pour éviter toute menace, Fjalar et Galar établissent un plan machiavélique pour s’en débarrasser.
L’assassinat du géant Gilling et de son épouse
Sachant que le géant Gilling ne sait pas nager, les deux nains lui proposent une partie de pêche qu’il accepta avec grand plaisir. Une fois au large, Fjalar et Galar retournent le bateau et font tomber à l’eau le géant qui meurt noyé. De retour chez eux, ils rapportent la triste nouvelle à son épouse qui s’effondre de chagrin.
Pour essayer de la consoler, les nains lui proposent alors de la mener sur le lieu de la mort de son mari, ce qu’elle accepte sans hésitation. Cependant, avant qu’elle ne franchisse le pas de la porte, Galar lui jette sur le crâne une énorme meule de moulin, qui la tue sur le coup. Ainsi, Galar et Fjalar peuvent continuer à produire leur hydromel poétique sans crainte.
La vengeance du géant Suttung
Hélas pour les deux nains, Gilling avait un fils du nom de Suttung. Fou de rage face à la mort de ses parents, le géant mène les deux nains sur un écueil afin de les noyer. Fjalar lui supplie de leur laisser la vie sauve et lui promet la recette de l’hydromel de poésie en échange. Le géant accepta l’accord et pu ainsi repartir avec le précieux breuvage.
Brokk et Eitri, les nains maîtres-forgerons
La légende de Brokk et Eitri est également emblématique de la culture viking. Ces deux frères sont réputés pour être des maîtres-forgerons aguerris. Leur histoire débute avec un pari lancé par Loki qui les nargue un jour en leur disant qu’ils ne seraient pas capables de créer des trésors légendaires pour les dieux.
Piqués par la remarque, les deux nains se réfugient dans leur forge pour se mettre au travail. Durant des heures, ils soufflent sur le feu, tapent avec ardeur le marteau sur l’enclume. C’est ainsi qu’ils fabriquèrent les plus beaux trésors et armes pour les dieux. De leurs mains habiles ils ont ainsi fabriqué :
- Le sanglier de Freyr, Gullinbursti,
- L’anneau d’Odin, Draupnir,
- Le marteau de Thor, Möjlnir,
- La chevelure magique de Sif.
4. Andvari, le nain gardien de l’anneau maudit
Andvari (ou Alberich selon les sources), dont le nom peut signifier « le protecteur de la vie « , est dépeint comme le gardien de l’anneau maudit d’Andvaranaut. Son histoire est rattachée au dieu Loki. Alors qu’Andvari transformé en brochet nage dans la rivière, il est capturé par le dieu viking. Celui-ci vient lui voler son or en compensation de l’assassinat d’Ótr, le fils Hreidmar. Ce trésor contient un anneau dont le nain ne veut absolument pas se séparer. Mais Loki, cupide et avide, ne répond pas à son souhait. Alors, Andvari jette un sort à la bague afin que celui qui la porte trouve inévitablement la mort.
Voici un extrait de la strophe 1 du Reginsmál de la Völsunga saga où Andvari se présente :
« Andvari je m’appelle,
Óinn s’appelait mon père.
Par mainte cascade ai couru.
La sinistre Norne
Assigna autrefois
Que je pataugerais dans l’eau »
On le retrouve également dans l’épopée médiévale « la Chanson des Nibelungen » où il est présenté comme le gardien trésor des Nibelungen. Malgré sa puissance, il est battu par le héros légendaire Siegfried. Son influence est si importante qu’il est présent dans l’opéra de Wagner : L’Anneau du Nibelung.
Alvíss, le nain sage
Alvíss apparaît dans le poème Alvíssmál de l’Edda poétique. Son histoire raconte que la main de Thrúd, la fille de Thor lui a été promise. Or, cette alliance a été scellée sans la présence du dieu nordique. Totalement en désaccord avec cette décision, il exige qu’Alvíss réponde à une série de questions afin de pouvoir juger son niveau de sagesse.
Pendant des heures, Thor le questionne et arrive alors la lumière du jour. Hélas, le pauvre nain en contact avec la lumière du soleil finit totalement pétrifié. Thor avait-il prédit son coup afin de ne pas lui donner sa fille en épouse ? Nul ne le sait.
Mótsognir, le premier nain
D’après la Voluspa, Mótsognir est considéré comme le père de tous les nains. C’est en effet le premier ver qu’Odin récupère du corps du géant Ymir et à qui il offre la conscience et le raisonnement. Ce nain est bien moins connu que d’autres mais il est pourtant une figure essentielle de la mythologie nordique car, sans lui, le peuple nain ne serait pas né.
Dáin, le nain controversé de la mythologie nordique
Dáin, ou Dáinn est un exemple parlant des incohérences que l’on peut retrouver au travers des écrits de la mythologie nordique. En effet, en fonction des sources, ce personnage est soit présenté comme un nain, soit comme le roi des elfes.
La mention la plus importante à son sujet est celle que l’on retrouve sur l’épée du roi Högni, Dáinsleif (qui porte le nom de « L’héritage de Dáinn »). Cette épée a été forgée par les nains et porte une malédiction. Une légende raconte que si un homme la brandit, un autre doit impérativement mourir.
Dans le poème Hyndluljóð de l’Edda poétique, Dain et son frère Nabbi auraient fabriqué Hildisvíni, le sanglier doré de la déesse Freyja. En revanche, dans le poème Hávamál, Dain est le roi des elfes qui sculpte les runes pour les dieux.
« Odin pour les Ases, et Dain pour les elfes,
Dvalin pour les nains,
Asvid pour les géants,
j’en sculpte moi-même. »
L’absence des nains dans la prophétie du Ragnarök
Même si les nains sont des créatures très importantes dans la mythologie nordique, ils brillent cependant par leur absence dans la prophétie du Ragnarök. Une seule mention est faite dans un passage de la Völuspá où ils sont décrits rugissant de toute leur âme en gardant les immenses portes en pierre. On peut alors penser qu’ils se sont rangés aux côtés des dieux pour combattre les géants et les forces du chaos.
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