Ginnungagap est un abîme sans fond, le vaste vide primordial qui existait avant la création de l’univers, et dans lequel le cosmos s’effondrera à nouveau pendant le Ragnarök. Ce gouffre, d’une profondeur insondable, se trouvait entre les deux mondes primordiaux, Niflheim, le royaume du froid, et Muspellheim, le royaume du feu.
Le terme Ginnungagap est souvent interprété comme « abîme béant » ou « vide immense« . Ce concept est au cœur de la genèse de toute existence et est évoqué dans divers poèmes de l’Edda poétique. Il joue également un rôle important au début du Gylfaginning, une partie de l’Edda en prose rédigée de Snorri Sturluson. Mais qu’est-ce que Ginnungagap et comment s’intègre-t-il dans l’histoire de la création des neuf mondes nordiques ?
Étymologie de Ginnungagap
En vieux norrois, le terme « gap » partage la même signification qu’en anglais moderne, désignant un vide ou un espace vide. Cependant, l’interprétation de « ginnung » reste bien plus incertaine. La théorie la plus convaincante à ce jour est celle proposée par Jan de Vries, qui suggère l’idée d’une « charge magique« , une notion qui a été largement acceptée. Cette hypothèse suggère l’existence d’une potentialité, d’une capacité inhérente à ce vide primordial de générer la création à partir de son néant.
Ginnungagap : création de la vie et du cosmos
Au début, Ginnungagap était le vaste abîme qui avait toujours existé. Il était situé entre le monde ardent de Muspelheim et le monde glacial de Niflheim. Lorsque les éléments feu et glace se sont rencontrés à Ginnungagap, les conditions étaient réunies pour l’émergence de la vie et la création du cosmos.
Le choc de Muspelheim et Niflheim
Au sein de ce vide, les royaumes primordiaux de Muspelheim et Niflheim se sont progressivement rapprochés. Finalement, comme le relate le Gylfaginning, leur rencontre a conduit à un mélange d’où est issue la vie.
Toute cette partie de Ginnungagap qui se tourne vers le nord était remplie de glace et de givre épais et lourds, et partout à l’intérieur il y avait des pluies bruines et des rafales. Mais la partie sud de Ginungagap était éclairée par les étincelles rougeoyantes qui jaillissaient de Muspelheim.
De même que le froid et toutes choses sinistres provenaient de Niflheim, de même ce qui bordait Muspelheim était chaud et lumineux, et Ginungagap était aussi chaud et doux que l’air sans vent. Et lorsque les souffles chauds de Muspelheim rencontrèrent le givre, de sorte qu’il fondit en gouttes, alors, par la puissance de celui qui envoyait la chaleur, les gouttes s’animèrent et prirent la ressemblance d’un homme qui reçut le nom d’Ymir. Mais les géants des glaces l’appellent Aurgelmer.
La source de la vie
Ginnungagap, l’abîme primordial, se tient à la source de toute création dans la mythologie nordique, un lieu où le potentiel de vie a commencé à prendre forme.
Le géant Ymir et la vache Audhumla
De Ginnungagap est né Ymir, l’ancêtre de tous les géants. Il occupait une place centrale dans la mythologie nordique, incarnant les forces chaotiques contre lesquelles les dieux devraient ultérieurement lutter pour maîtriser. Aux côtés d’Ymir a émergé Audhumla, la vache cosmique, dont les rivières nourricières assuraient la subsistance du cosmos primitif.
Comme le décrit le poème eddique Völuspá (La perspicacité de la voyante), avant l’existence du cosmos : « il n’y avait ni sable, ni mer, ni vagues fraîches, ni terre, ni ciel, ni herbe, seulement Ginnungagap« . La naissance d’Ymir et d’Audhumla a déclenché un tournant dans le récit de la création, libérant les forces chaotiques qui finiraient par façonner le monde que nous connaissons.
Le dieu Buri et sa descendance
Aux côtés d’Ymir et d’Audhumla, un autre être émergea du vide de Ginnungagap : Buri, le premier dieu Ase. Selon la mythologie nordique, Buri fut libéré des glaces par Audhumla, qui se nourrissait en léchant les blocs de glace salée. La présence de Buri marque le début de la lignée divine des Ases, qui jouera un rôle déterminant dans la structuration du cosmos.
De Buri descendra Borr, qui à son tour engendrera Odin, Vili et Vé, les dieux responsables de la création de l’homme et du monde. Cette généalogie divine souligne l’importance de la famille et de la succession dans la mythologie nordique.
La création des neuf mondes
À partir du corps d’Ymir, tué par Odin et ses frères, les dieux ont façonné les neuf mondes. Le sang d’Ymir est devenu les océans, sa chair la terre, ses os les montagnes, et son crâne le ciel. Les sourcils d’Ymir ont été utilisés pour créer Midgard, le monde des humains. Les vers qui grouillaient dans le corps d’Ymir sont devenus les nains, et de son cerveau, les nuages ont été formés.
Ces mondes ont été disposés autour de l’arbre cosmique Yggdrasil, créant une structure complexe qui relie toutes les formes de vie. Les neuf mondes comprennent :
- Asgard, le monde des dieux Ases ;
- Vanaheim, le monde des dieux Vanes ;
- Alfheim, le monde des elfes lumineux ;
- Midgard, le monde des humains ;
- Jötunheim, le monde des géants ;
- Svartalfheim, le monde des nains ;
- Niflheim, le monde de la glace ;
- Muspelheim, le monde du feu ;
- Helheim, le monde des morts.
La création des neuf mondes à partir du corps d’Ymir illustre les cycles éternels de la vie, de la mort et de la renaissance. Elle souligne l’importance de l’équilibre et de l’interconnexion dans l’univers, où chaos et ordre coexistent harmonieusement.
Le rôle de Ginnungagap
Le concept de Ginnungagap revêtait une grande importance dans la pensée nordique. À bien des égards, il représentait la dualité de la création et de la destruction, ainsi que la lutte permanente entre l’ordre et le chaos. Les Nordiques et les autres peuples germaniques voyaient dans cette scission chaos-cosmos une opposition entre l’innangard et l’utangard. En effet, comme l’opposition respectivement entre ordonné et civilisé et entre sauvage et anarchique.
Ginnungagap, dans son silence et son obscurité parfaits, présente une ressemblance frappante avec les vides primordiaux trouvés dans d’autres mythologies à travers le monde, comme le récit judéo-chrétien de la Genèse. Cette opposition entre un cosmos bien ordonné et le chaos anarchique qui l’entoure est peut-être l’un des thèmes les plus courants dans la religion et la conscience humaine.
Ginnungagap et le Ragnarök
Ragnarök est décrit comme une période de destruction massive, où de nombreux dieux, y compris Odin, Thor, Freyr, et Loki, ainsi que les géants et d’autres créatures, périssent. Le monde lui-même est englouti par les flammes, provoquées par Surt, le géant de feu de Muspelheim, avant d’être submergé par les eaux. Après cette destruction, le monde est censé renaître, purifié et renouvelé, avec la survie de quelques dieux et la réapparition de deux humains, Lif et Lifthrasir, qui repeupleront la terre.
Bien que Ginnungagap ne soit pas directement impliqué dans les récits du Ragnarök, on pourrait interpréter sa présence éternelle comme le cadre dans lequel le cycle de fin et de renouveau se déroule. Après la destruction du monde connu et sa renaissance, Ginnungagap pourrait symboliquement représenter le vide primordial et le potentiel de création à partir duquel le nouveau monde émerge, perpétuant ainsi le cycle éternel de la vie, de la mort, et de la renaissance dans la cosmologie nordique.
Théories sur Ginnungagap
Les théories modernes sur le Ginnungagap révèlent des liens profonds au sein de la mythologie nordique. Jormungandr, le Serpent-Monde qui encercle la Midgard, est un élément clé de cette exploration. Sa taille gigantesque et sa capacité à encercler le monde entier, tenant sa queue dans sa bouche jusqu’au Ragnarök, suggèrent une connexion avec Ginnungagap, l’abîme primordial. Jan de Vries note une racine linguistique commune entre « gandr » de Jormungandr et « ginnunga » de Ginnungagap. Cela pourrait indiquer que Jormungandr réside dans les eaux primordiales d’où toute vie a émergé.
Les Gandir, entités magiques du folklore, peuvent prédire l’avenir. Ils apparaissent souvent comme des loups ou des serpents. Leur association avec Ginnungagap pourrait expliquer leur connaissance de l’avenir, liée au pouvoir créatif de cet abîme. L’art nordique montre souvent des serpents et des loups s’enroulant en motifs complexes. Ces motifs pourraient symboliser les eaux chaotiques de la création, reflétant les visions vikings d’un univers entouré par une mer de chaos.
Salutation à vous, Florent et Christophe, quel beau site vous avez construit là ! Pourrais-je connaître l’identité de l’auteur talentueux des magnifiques illustrations qui l’ornent, s’il-vous-plaît ?
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Christophe et Florent