On dit que les dieux ne meurent jamais. Pourtant, il suffit d’un amour brisé pour que l’une d’entre eux s’effondre. Dans le panthéon nordique, il est une figure discrète, presque effacée derrière les éclats d’Odin ou la fureur de Thor. Une femme douce. Une déesse oubliée. Pourtant, son histoire est l’une des plus poignantes de toute la mythologie scandinave. Elle s’appelait Nanna. Déesse nordique de la joie, du calme, mais aussi de l’amour tragique, elle a aimé le plus lumineux des Ases, Baldur. Et lorsqu’il est mort, elle a préféré le suivre plutôt que de survivre. À travers les cendres d’un bûcher divin et les brumes de Helheim, son nom continue de murmurer la fidélité éternelle. Voici l’histoire de Nanna, la déesse au cœur brisé, symbole d’un amour qui défie la mort.
Qui est Nanna ?
Si les dieux avaient un carnet de famille, Nanna y tiendrait une place tendre mais discrète. Elle est ce genre de déesse dont on parle à voix basse, entre deux éclats d’épopées. Mais sans elle, il manquerait un battement au cœur de la mythologie nordique.
Nanna est une déesse nordique, aussi appelée Nanna Nepsdóttir. Elle appartient aux Asynes, les divinités Ases féminines du panthéon scandinave.
Elle est surtout connue pour avoir été l’épouse aimante de Baldur, le dieu de la lumière. Leur couple incarne la douceur et l’harmonie, loin des querelles d’Asgard. Ensemble, ils eurent un fils : Forseti, dieu de la justice et de la réconciliation.
Dans les Eddas, Nanna apparaît comme une présence silencieuse, mais puissante. Elle ne mène pas de guerre. Elle n’empoigne pas de hache. Et pourtant, sa fidélité bouleverse les dieux eux-mêmes.
Son rôle peut sembler mineur. Mais c’est souvent le cœur discret qui porte les plus grandes douleurs. Et Nanna en est l’exemple le plus éclatant.
La signification du nom Nanna
Chez les anciens Scandinaves, un nom ne servait pas juste à appeler quelqu’un. Il révélait son essence. Il chuchotait son destin.
Le nom Nanna n’échappe pas à la règle. Selon certains linguistes, il viendrait du vieux norrois nanna, qui signifie « la courageuse » ou « la protectrice ». D’autres y voient une racine plus ancienne, liée à des mots désignant la femme, la mère, ou même la lune. La douceur et la cyclicité de Nanna rappellent en effet les phases lunaires. Rien d’étonnant si, dans certains cercles ésotériques modernes, on l’associe à l’énergie féminine et à la lumière intérieure.
Une des plus anciennes traces de son nom pourrait se cacher sur un simple objet en bois : le peigne runique de Setre, découvert en Norvège. Daté du VIIe siècle, il porte l’inscription « nanna » en runes. Était-ce une invocation ? Un nom personnel ? Un talisman ? Nul ne le sait, mais le mystère ajoute à son charme.
Qu’elle soit mère, amante ou symbole lunaire, Nanna reste un nom qui résonne comme une caresse. Mais une caresse capable de survivre à la mort.
Nanna et Baldr – Amour et tragédie divine
Il y avait, dans les salles dorées d’Asgard, un couple que même les Vanes enviaient. Elle, discrète et lumineuse. Lui, éclatant comme le soleil au zénith. Nanna et Baldur formaient une alliance rare chez les dieux nordiques : un amour sans combat, sans trahison, sans chaos. Juste de la lumière, du calme et de la tendresse dans leur demeure céleste, Breidablik .
Mais voilà. Les tragédies les plus cruelles naissent souvent des âmes les plus douces.
Qui a tué Baldur ?
Baldr faisait un cauchemar récurrent. Il rêvait de sa propre mort. Et dans les mythes nordiques, quand un dieu rêve de sa fin, ce n’est pas juste une angoisse nocturne : c’est une prophétie.
Frigg, sa mère (la déesse des mères, de l’amour et de la protection), paniqua. Alors, elle alla voir tous les êtres du monde : les pierres, les plantes, les métaux, les maladies, les animaux, les dieux… et leur fit jurer de ne jamais blesser Baldur.
Tous acceptèrent. Sauf un. Mais pas par méchanceté.
Loki, le dieu rusé, fabriqua une flèche en bois de gui, seule chose capable de blesser Baldr. Il la remit à Höd, son frère aveugle, et guida son bras. La flèche transperça Baldur, qui tomba, foudroyé. Le dieu de la lumière venait de mourir. Définitivement.
Nanna n’eut pas besoin de hurler. Son silence fut plus glaçant que tous les cris de la guerre. Elle s’effondra. Son cœur brisé ne tint pas. Le lendemain, elle fut retrouvée sans vie, morte de douleur. Une mort d’amour. Une mort de fidélité.
Lors de la cérémonie funèbre, son corps fut posé aux côtés de celui de Baldur, sur le bûcher du navire Hringhorni. Deux corps. Un seul amour. Un feu qui les unit pour l’éternité. On raconte que même les flammes hésitèrent avant de les consumer.
(Gylfaginning, chap. 49) :
Ensuite, le corps de Baldr fut porté à bord et quand sa femme, Nanna, la fille de Nepr, le vit, elle fut écrasée de chagrin et mourut. On la transporta sur le bûcher et le feu fut allumé.
Les sources anciennes – Eddas, Gesta Danorum et traditions
Nanna n’est pas l’une de ces déesses tonitruantes que les scaldes chantaient dans les tavernes. Mais ses traces sont bien là. Et elles racontent plus qu’on ne le croit.
Dans l’Edda de Snorri Sturluson, elle apparaît comme l’épouse fidèle de Baldur. Elle meurt de douleur lors de ses funérailles, puis est envoyée avec lui à Helheim, le royaume des morts. C’est là qu’elle offrira des présents à Hermod, venu plaider le retour de Baldur. Une femme discrète, mais digne. Amoureuse, mais forte. Une présence qui marque plus par son absence que ses actes.
Dans l’Edda poétique, son nom n’est que murmuré. Une ombre dans le chant. Elle y est un fantôme d’amour, une idée douce entre deux strophes brutales.
Dans la Gesta Danorum : de déesse à princesse
Mais dans la Gesta Danorum de Saxo Grammaticus, tout change. Nanna n’est plus une déesse, mais une princesse humaine, fille du roi Gevarus. Elle tombe amoureuse du héros Høtherus (version humanisée de Höd), qui affronte et tue Balderus (Baldr). Après cette victoire, Høtherus épouse Nanna et devient roi du Danemark.
Avant de mourir, il transmet le pouvoir à leur fils, Rorik Slyngebond, ancêtre direct du célèbre Amleth, figure qui inspirera le Hamlet de Shakespeare. Ce récit transforme les dieux en souverains tragiques, mêlant amour, rivalité et destin royal.
Ces récits ne se contredisent pas. Ils se regardent, se répondent. Comme si, même dans les légendes, Nanna refusait d’être figée. Une déesse fluide, comme l’eau ou la mémoire.
Peut-être était-elle bien plus racontée autour des feux, dans ces traditions orales que le temps a mangées. Car dans la mythologie nordique, ce qui n’est pas écrit n’est pas oublié. Ça a juste pris un autre chemin pour nous atteindre.
Symboles et pouvoirs de Nanna – lune, fidélité et consolation
Elle n’a ni marteau, ni bouclier mais elle possède quelque chose de plus rare : la constance d’un cœur qui ne plie jamais.
Dans les traditions modernes, Nanna est souvent associée à la lune. Non pas celle des loups et de la chasse. Mais celle qui apaise, qui veille, qui illumine doucement les nuits les plus noires. Une lumière de consolation. Une présence discrète qui ne quitte jamais l’ombre.
Symbole de fidélité et de douceur, Nanna est devenue un archétype d’amour éternel. Celui qui ne rugit pas, mais qui endure. Celui qui préfère la mort au renoncement. Dans l’imaginaire spirituel nordique, elle incarne la tendresse absolue. Celle qu’on ne revendique pas. Celle qu’on offre sans attendre.
Son nom est parfois invoqué dans des rituels liés à la paix intérieure, à la guérison émotionnelle, ou aux deuils silencieux. Elle n’a pas besoin de temples. Elle vit dans les silences. Elle guide ceux qui ont trop aimé, ceux qui ont trop perdu. Nanna n’est pas une déesse qu’on prie. C’est une déesse qu’on ressent.
🌙 Rituel de Paix Intérieure – En l’honneur de Nanna
Intention : Apaiser le cœur, libérer un chagrin silencieux, guérir émotionnellement.
Quand : Lors d’une nuit calme, de préférence au clair de lune.
Matériel : Une bougie blanche ou argentée, une pierre de lune ou quartz rose, un carnet ou une feuille.
- Allumez la bougie et installez-vous dans le silence, les mains posées sur votre cœur.
- Notez ce que vous souhaitez relâcher (souffrance, rupture, regret).
- Lisez votre texte à voix basse, puis brûlez-le ou enterrez-le.
- Fermez les yeux. Visualisez une lumière douce vous envelopper.
- Murmurez : « Je rends la douleur au silence. Je choisis la paix. »
Nanna ne guérit pas en frappant. Elle guérit en tenant la main de ceux qui n’ont plus de mots.
Nanna aujourd’hui – traces modernes, paganisme et inspirations
Elle n’a pas disparu. Elle a simplement changé de forme. Aujourd’hui, Nanna ne vit plus seulement dans les vers de l’Edda, mais dans les cœurs de celles et ceux qui cherchent la paix, la loyauté et la consolation.
Dans les cercles néo-païens ou wicca nordiques, certains rituels lui sont consacrés pendant les nuits de pleine lune. Des groupes spirituels comme Hearth of Yggdrasil ou The Asatru Temple évoquent régulièrement Nanna comme figure féminine de guérison douce. Elle est souvent associée à des pierres comme la pierre de lune ou le quartz rose, utilisées lors de méditations pour traverser les chagrins ou les deuils silencieux.
Dans le monde de la création artisanale, des artistes païens comme Freyja’s Threads ou WitchyVikingCrafts proposent des bijoux gravés à son nom ou représentant la lune et les symboles d’amour éternel. Des bagues « liées par la lune » ou des pendentifs gravés « Baldr & Nanna » sont devenus des cadeaux de couple dans certains cercles ésotériques.
Sur Instagram ou Pinterest, on trouve des autels modernes lui étant dédiés : bougies argentées, encens de myrrhe, fleurs blanches et carnets de prières. Le hashtag #NannaGoddess existe même, discret mais réel. La mémoire digitale ne ment pas.
Et dans les jeux vidéo ou les romans fantastiques, bien qu’elle n’apparaisse que rarement sous son vrai nom, on retrouve souvent sa silhouette : la femme lunaire, douce mais indestructible, qui console les héros perdus.
Et peut-être que chaque fois qu’une femme regarde la lune en silence, elle lui parle un peu, sans le savoir.
Conclusion – Quand l’amour survit aux dieux
Dans un monde divin peuplé de guerres, de trahisons et de chaos, Nanna brille par son calme. Elle est la note juste dans une mélodie trop brutale. Une preuve que même dans les mythes nordiques, la tendresse a sa place. Discrète. Mais indestructible.
Son histoire nous parle encore aujourd’hui. Parce qu’elle touche cette part en nous qui aime, qui perd, qui se souvient. Nanna ne crie pas. Elle murmure. Et ces murmures traversent le temps.
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