Divinités mineures de la nature et de la fertilité, les Elfes sont pourtant des êtres peu connus dans la mythologie nordique. Parfois confondus avec les nains (Elfes sombres ou Dökkálfar), ou représentés comme les alliés des dieux (Elfes de Lumière ou Ljósálfar), leur nature est souvent controversée. Néanmoins, leur présence est mentionnée dans plusieurs sources historiques, attestant leur rôle important dans le folklore viking. Qui sont donc ces êtres mystérieux de la mythologie inférieure scandinave et qui ont tant marqué les œuvres littéraires modernes ?
Les origines des Elfes
Les plus anciennes origines des Elfes remontent à la mythologie nordique. Celles-ci sont citées dans de nombreux textes, comme la Völuspá ou encore les sagas islandaises épiques. Ils y sont présentés comme des divinités mineures, toujours aux côtés des dieux Ases et Vanes. Dans ces récits anciens, les Elfes portent le nom de álfar (álfr au singulier) qui a donné lieu à d’autres appellations dans les langues nordiques contemporaines, comme :
- Alfur (pluriel álfar), en islandais,
- Elver, en danois,
- Alvefolk ou Alv, en norvégien,
- Alv (pluriel alver), en suédois.
Les Elfes et les dieux Ases et Vanes
L’expression « Aesir ok Alfar » utilisée dans différents textes de la poésie scaldique et de l’Edda poétique, atteste que les Elfes (ou Alfes) sont un peuple très proche des dieux Ases et Vanes de la mythologie nordique. De plus, dans le poème l’Alvíssmál « les Dires de Sagesse« , les Elfes sont bien distincts des autres dieux grâce à des traductions de mots précises.
D’autre part, on peut lire dans Le Grímnismál que Freyr est considéré comme le seigneur du royaume des Elfes : Álfheimr. Cela est également le cas dans Lokasenna. Ce poème eddique présente plusieurs personnages mineurs, considérés comme serviteurs des dieux durant un fastueux banquet donné dans la cour de Ægir. Ainsi, on y retrouve Byggvir et son épouse Beyla, sous les ordres de Frey, tout comme Fimafeng et Eldir, présentés comme des elfes.
Les Elfes et nains
Il n’est pas rare de retrouver dans les écrits de Snorri Sturluson les nains représentés comme des alfes noirs. Cela sous-entendrait, d’après certains écrits, que le peuple des nains n’existerait pas dans la mythologie nordique et qu’il s’agirait en réalité d’Elfes à la peau sombre, voire noire. Or, il semblerait que l’historien islandais du XIIIe siècle ait fait une mauvaise traduction de certains passages de l’Edda poétique. En effet, il divise le peuple des Elfes en deux races :
- Les Ljósálfar (les Elfes lumineux), vivant à Álfheimr
- Les Dökkálfar (les Elfes sombres) ou les Svartalfar (Elfes noirs), vivant à Svartalfheim.
Comme cet extrait de Gylfaginning le démontre :
« Il y a un endroit là [dans le ciel] qui s’appelle la demeure Elfe (Álfheimr). Les gens qui y vivent sont appelés les Elfes lumineux (Ljósálfar). Mais les Elfes sombres (Dökkálfar) vivent ci-dessous dans la terre, et ils ont une tout autre apparence — et très différents d’eux en réalité. Les Elfes Lumineux sont plus lumineux que le soleil en apparence, mais les Elfes Sombres sont plus ténébreux que… »
Dans les légendes scandinaves, les nains ont pour résidence le monde Nidavellir (connu également sous le nom de Myrkheim). Néanmoins, l’erreur de Snorri peut venir de la confusion de Svartálfheim et de Nidavellir qui sont souvent décrits comment étant un seul et même monde.
Caractéristiques des Elfes dans la mythologie nordique
Sous l’inspiration de J.R.R Tolkien, écrivain dont l’œuvre majeure est « le seigneur des anneaux », les Elfes sont représentés comme des êtres magnifiques, plus grands que les hommes, longilignes, dotés d’une magnifique chevelure blonde et d’oreilles pointues.
Cependant, dans les récits scandinaves, les Elfes semblent être semblables aux êtres humains. Aucune caractéristique physique n’est réellement précisée. En revanche, ils sont dépeints comme des êtres puissants et possédant des capacités surnaturelles et de nombreux pouvoirs magiques.
Il est raconté que les alfes ont une grande résistance à la vieillesse, traduisant ainsi une longévité exceptionnelle, voire même, l’immortalité. De par leur robustesse, ils sont moins sujets aux maladies et ont également le pouvoir de guérison. Enfin, les Elfes sont profondément liés à la nature et possèdent des connaissances poussées en plantes et herbes médicinales. Au même titre que les Elfes de Tolkien, les alfes ont le sens de l’ouïe et de la vue particulièrement développé.
Ljósálfar, Elfes lumineux du folklore viking
Dans son Edda en prose, Snorri Sturluson décrit les Ljósálfar comme des Elfes de lumière « plus beaux que le soleil à regarder ». Cette description est reprise dans le poème islandais : Hrafnagaldr Óðins, du XVe siècle. Filiformes, avec un teint diaphane, ils sont réputés pour leur beauté saisissante mais également pour leur agilité. En revanche, l’origine des Ljósálfar est totalement méconnue car, elle n’est citée dans aucune source historique ou ancienne.
Des créatures de lumière et de sagesse
Les Ljósálfar vivent dans les luxuriantes forêts d’Álfheim (terre des Elfes), demeure du dieu Vane Freyr, comme en témoigne cet extrait du Grímnismál, à la strophe 5 :
« Ýdalir appellent-ils
l’endroit où Ull
s’est doté d’une salle pour lui-même ;
Et Álfheim, les dieux, ont autrefois offert
à Frey une dent en cadeau dans les temps anciens. »
Ces créatures de lumière rayonnent de pureté et sont réputés pour leur grande beauté et sagesse. Divinités mineures de la nature et de la fertilité, ils entretiennent avec celle-ci une relation sacrée. Ainsi, les Ljósálfar évoluent dans un univers de bonté, de bienveillance et d’innocence, des valeurs essentielles pour le peuple viking.
Un pouvoir de guérison exceptionnel
Par ailleurs, les Ljósálfar constituent un peuple aux pouvoirs magiques hautement respecté par les dieux Vanes et Ases. Leur puissance est si grande, que ces créatures lumineuses sont souvent appelées pour interagir dans des affaires du monde des mortels. Grâce à leurs grandes connaissances de la nature, les Elfes blancs peuvent guérir de nombreuses maladies et blessures.
Dökkálfar, Elfes sombres de la mythologie nordique
Totalement à l’opposé des Ljósálfar, les Dökkálfar ou Svartalfar, sont les Elfes noirs du folklore viking. D’après de nombreuses légendes vikings, ces créatures étaient des asticots qui mangeaient la chair du géant primordial Ymir. Odin les aurait alors dotés de la raison.
Les Elfes noirs sont loin d’être aussi bienveillants et innocents que les Elfes de lumière. Ils sont dépeints comme des divinités mineures de la mythologie nordique, au regard méprisant et à l’apparence hostile. Dans ses écrits, Snorri Sturluson les présente en effet comme des êtres « plus noirs que la poix » en rapport avec leur peau sombre. Cette couleur de peau peut être due au travail de la forge mais aussi, à la magie noire, que les Dökkálfar pratiquent régulièrement et qui a mené à leur déchéance.
Des créatures de l’ombre
Les Dökkálfar, bien que connus, sont peu mentionnés dans les récits scandinaves. Ils n’apparaissent en effet que dans le Gylfaginning et le Skáldskaparmál de l’Edda en prose de Snorri. L’écrivain islandais y parle d’un peuple d’Elfes noirs qui vit dans les profondeurs du monde de Svartálfheim (le royaume des Elfes noirs), au niveau le plus bas de l’arbre cosmique d’Yggdrasil.
Or, d’après certaines sources, ces créatures ne craignent pas la lumière du soleil et peuvent donc sortir à leur guise sans peur d’être pétrifiées. Ce qui les différencie d’autant plus des nains, avec lesquels ils sont souvent confondus. Les Elfes sombres sont des êtres malfaisants ayant perdu toute connexion avec la nature et gouvernés par les ténèbres. Ils n’hésitent pas à utiliser les richesses naturelles pour satisfaire leurs propres intérêts en les rendant plus vils et malveillants.
Des artisans habiles et expérimentés
Tout comme les nains, les Dökkálfar sont des artisans d’une grande habilité et dont le savoir-faire est reconnu à travers les mondes divins. Ils manient à la perfection le marteau et l’enclume pour fabriquer des objets et autres armes magiques d’une grande finesse. Ils peuvent rester des jours entiers sans voir la lumière du jour et seulement éclairés par le feu de leur fourneau.
Au creux de galeries souterraines sans lumière, ils forgent le métal avec précision et obsession. Il semblerait que cette race d’Elfes est sombrée dans l’obscurité la plus profonde après avoir pris goût à la magie noire. Ils abusent des rituels et sacrifices, rendant leur âme aussi noire que leur peau.
Des esprits puissants et vénérés
Les Elfes, toutes races confondues, sont des esprits très puissants dans le folklore nordique. C’est pour cette raison que les vikings leur vouent un culte important au travers de sacrifices cérémoniaux tels que « álfablót » (sacrifice aux Elfes) ou encore « jól » (Solstice d’hiver).
L’álfablót, le sacrifice aux alfes
Le sacrifice païen de l’álfablót est mentionné dans le poème scalde des Austrfararvísur de Sigvatr Þórðarson. Il a lieu à la fin de l’automne lorsque les récoltes ont été ramassées et que les animaux sont bien engraissés. Il a pour rôle de célébrer la puissance des Elfes mais également les esprits de la nature. Généralement, ce rituel sacrificiel se déroule dans la ferme familiale et c’est la femme de la famille qui l’orchestre en tuant sur l’autel de Freyr un verrat bien gras avant de l’offrir aux Alfes.
Dans la saga Kormáks, les sacrifices aux Elfes pour guérir une blessure sur le champ de bataille sont décrits :
« Il y a une colline, » répondit-elle, » non loin d’ici, où les elfes ont leur repaire. Maintenant, procurez-vous le taureau que Cormac a tué, et rougissez le côté extérieur de la colline avec son sang, et faites un festin pour le elfes avec sa chair. Alors tu seras guéri. »
Certes la démarche est quelque peu sanglante, mais le sacrifice prouve bien que les Elfes lumineux sont des guérisseurs dans l’âme et réputés pour leurs pouvoirs magiques.
Jól, le solstice d’hiver
Le Jól (de l’anglais : Yule) est considéré comme la période de Noël chez les peuples germaniques. Durant cette fête, les vikings célèbrent le solstice d’hiver et les jours qui rallongent. Au cours de cette fête, la ripaille et la beuverie sont au rendez-vous, tous comme les sacrifices d’animaux afin de remercier les Elfes, divinités de la fécondité et de la fertilité. Ces rituels sacrificiels sont réalisés pour obtenir la bénédiction des esprits de la nature et des dieux afin que les récoltes à venir soient meilleures.
Les Elfes nordiques dans la culture moderne populaire
Les Elfes de la mythologie nordique sont des créatures très connues et dont l’influence a su traverser les siècles. Ils sont particulièrement présents dans les jeux vidéo, la littérature mais aussi les films d’Heroïc Fantasy.
J.R.R Tolkien
Les Alfes ont fortement inspiré le célèbre auteur britannique J.R.R Tolkien dans son ouvrage d’Heroïc Fantasy : le Seigneur des Anneaux. Il a inventé une toute nouvelle race : les Elfes de la Terre du Milieu dont l’histoire est décrite dans l’ouvrage posthume Le Silmarillion. En prenant exemples sur les Alfes nordiques dont la puissance est reconnue, Tolkien a fait de ses Elfes les êtres les plus doués de son histoire.
Aussi, les Elfes de la Terre du Milieu ressemblent à la description des Elfes de lumière dans la mythologie nordique. Très grands et minces, le teint pâle, une longue chevelure blonde et des oreilles pointues, une beauté sans défaut qui nourrit encore l’imaginaire collectif.
En outre, les elfes de Tolkien possèdent le don d’immortalité et font preuve d’une très grande sagesse. Très proches de la nature, ils offrent aux humains leur savoir en plantes et herbes médicinales. Mais surtout, Tolkien a inventé une langue elfique à part entière : le sindarin qui sert toujours de références dans l’univers de la Fantasy.
Littérature moderne
Même si l’œuvre de Tolkien est la plus célèbre, les Elfes sont également présents dans d’autres ouvrages de la littérature Fantasy moderne. Il est possible de citer la Trilogie des Elfes de Jean-Louis Fetjaine ou encore la série de romans jeunesse « Arielle Queen » de Michel J. Lévesque. Les Elfes de lumière et les Elfes noirs de la mythologie nordique évoluent dans un univers plus contemporain. La Saga du Sorceleur d’Andrzej Sapkowski est également une série de romans de Fantasy où ces créatures sont bien plus puissantes que les humains.
Folklore viking dans les jeux vidéo
Enfin, les Elfes sont présents dans de nombreux jeux vidéo relatant la mythologie nordique ou dans un univers d’Heroïc Fantasy. Voici quelques exemples de jeux vidéo célèbres où les Elfes tiennent une place importante :
- Final Fantasy : dans les différents opus de cette saga, les Elfes jouent un rôle important,
- World of Warcraft : ce jeu vidéo en ligne comporte plusieurs races d’Elfes que les joueurs peuvent incarner afin de profiter de leurs pouvoirs,
- Tales of Phantasia : les Elfes dans cette saga sont les gardiens d’Origins,
- The Witcher : ce jeu vidéo propose également au joueur d’incarner un Elfe ensorceleur.
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