Il est de bon ton d’imaginer les Vikings en durs barbus, buveurs de cervoise et forgerons de sang. Mais… les femmes ? Si l’on écoute les sagas, certaines n’avaient rien à envier à leurs homologues masculins. Cuirassées, armées, prêtes à tout pour défendre leur clan, elles ont laissé des traces… parfois effacées par le temps, parfois retrouvées sous un tas de cendres et d’ossements. Plongeons dans l’histoire, celle que l’on oublie trop souvent, celle des guerrières vikings.
Le rôle des femmes vikings dans les batailles
Les femmes avaient-elles le droit de combattre ?
L’image masculine du viking, casque corné (oui, faux mythe !) et hache au poing, a longtemps éclipsé une vérité plus nuancée. Si l’on se fie aux sagas scandinaves, certaines femmes n’ont pas seulement cousu des tuniques ou entretenu le foyer. Elles ont combattu. Elles ont tué. Elles ont laissé leurs noms gravés dans le marbre.
Dans la Scandinavie médiévale, les femmes possédaient une place bien plus libre que dans d’autres cultures contemporaines. Elles pouvaient posséder des terres, divorcer, gérer un commerce et, dans certains cas, se battre.
L’exemple le plus frappant ? La guerrière de Birka.
En 1878, des archéologues suédois mettent au jour une tombe viking particulièrement bien fournie sur l’île de Birka. À l’intérieur : des armes, deux chevaux et des pièces de jeu de stratégie. Un guerrier, sans aucun doute. Mais en 2017, une équipe dirigée par Charlotte Hedenstierna-Jonson procède à une analyse ADN. La conclusion est historique : les os appartiennent à une femme.
Silence gêné dans le milieu académique. Pendant plus d’un siècle, personne n’avait remis en question l’idée qu’un viking enterré avec ses armes ne pouvait être qu’un homme. Et pourtant.
Les récits évoquent ces skjaldmö, les fameuses « femmes boucliers ». Lagertha, Hervor, Brynhildr, Blenda, Olga de Kiev… Légendes ou réalités ? Peut-être un peu des deux. Une chose est sûre : l’idée que les femmes pouvaient manier des armes n’était pas un fantasme.
Mais alors, pourquoi certaines combattantes ont-elles été oubliées ?
Pourquoi certaines guerrières ont-elles été oubliées ?
Le passé est souvent écrit par ceux qui gagnent. Et dans le cas des Vikings, les chroniqueurs étaient souvent… des moines chrétiens. Autant dire que ces scribes n’avaient ni l’envie, ni l’intérêt de glorifier des femmes guerrières, piliers d’une société païenne qu’ils cherchaient à effacer.
Les sagas scandinaves, pourtant riches en récits de femmes puissantes, n’ont été mises par écrit que bien plus tard. Les auteurs chrétiens ont adouci, modifié ou effacé tout ce qui ne collait pas avec leur vision d’une femme idéale : pieuse, soumise, effacée.
Prenons un exemple frappant : Freydís Eiríksdóttir. Dans la Saga d’Erik le Rouge, elle est décrite comme brave, redoutable. Pourtant, une autre version de sa légende, la Saga des Groenlandais, la transforme en sanguinaire et manipulatrice. Pourquoi ce changement de ton ? Simple : à mesure que la Scandinavie se convertissait au christianisme, l’image de la femme guerrière dérangeait de plus en plus.
Le temps, les interprétations biaisées et les reconstructions historiques ont contribué à faire disparaître ces femmes des récits officiels. Mais aujourd’hui, grâce aux fouilles archéologiques et aux recherches modernes, elles reviennent sur le devant de la scène.
Les guerrières vikings n’étaient ni un mythe, ni une exception. Elles étaient là. c’est pourquoi nous les remettons à leur place.
Les 15 femmes guerrières vikings
1. Lagertha : la reine bouclier
Lagertha. Si son nom vous dit quelque chose, c’est que la télévision s’en est emparée. Mais la légende de cette skjaldmö (femme bouclier) ne sort pas des studios d’Hollywood. Elle est contée par Saxo Grammaticus, un moine danois qui n’avait pourtant pas l’âme d’un scénariste.
Lagertha, donc. Une femme que l’on disait plus forte que mille hommes et plus belle que la lune sur la mer de Norvège. Ragnar Lothbrok, ce conquérant aux mille batailles, tomba fou d’elle après l’avoir vue combattre. Elle se battait avec une telle ardeur qu’il en oublia son propre nom. Ils s’aimèrent, se trahirent, se massacrèrent à coups de mots et d’épées.
Dans les brumes de l’histoire, difficile de savoir où finit la légende et où commence la vérité. Mais une chose est sûre : Lagertha incarne l’esprit viking dans toute sa fureur et sa liberté.
2. Freydís Eiríksdóttir : l’intrépide du Vinland
Imaginez. Une plage, loin de la Scandinavie. Les Hommes du Nord ont découvert l’Amérique bien avant Christophe Colomb (qui, soit dit en passant, aurait bien eu du mal à affronter cette femme-là).
Freydís Eiríksdóttir, fille d’Erik le Rouge et sœur de Leif Erikson, débarque au Vinland. Problème : les autochtones ne comptent pas se laisser envahir. L’attaque est brutale. Les guerriers vikings prennent la fuite. Mais Freydís, elle, reste debout. Elle saisit une épée, écarte sa tunique, tape sur sa poitrine en hurlant. Et là, magie : les ennemis, terrifiés, s’enfuient comme des lapins.
On ne sait pas si cela est vraie. Mais une femme qui fait fuir une armée entière en exhibant son torse, ça, c’est de la légende nordique pure et dure.
3. Hervor : la maîtresse de Tyrfing
Hervor, c’est un conte noir comme une nuit polaire. Fille d’un berserker et d’une inconnue, elle refuse la vie de filage et de mariage qu’on lui destine.
Un jour, elle apprend que son père, Angantyr, possédait une épée magique : Tyrfing. Une lame damnée, qui ne peut être dégainée sans tuer. Une arme qui brûle les mains de ceux qui la touchent.
Qu’importe. Hervor part seule, traverse des terres hantées, et réveille son père mort en l’appelant sous la pluie battante :
« Réveille-toi, guerrier des ombres ! Rends-moi l’épée qui me revient de droit ! »
Les fantômes hurlent. La mer rugit. Mais cette arme finit dans ses mains. Hervor devient une guerrière, une vraie, une de celles dont le nom traverse les siècles.
4. Brynhildr : la valkyrie trahie
Si vous aimez les tragédies de la mythologie nordique, celle de Brynhildr va vous ravir.
Valkyrie de son état, Brynhildr désobéit à Odin et se retrouve enfermée dans un cercle de flammes. Un seul homme pourra la réveiller : Sigurd, le héros parfait. Et il le fait. Ils tombent éperdument amoureux.
Mais voilà : Sigurd est ensorcelé et trahit Brynhildr pour une autre femme, Gudrun. Vous la sentez venir, la vengeance ?
Brynhildr n’est pas du genre à pleurer. Elle orchestre une série de meurtres et met le feu à tout ce qui lui rappelle Sigurd avant de se jeter elle-même dans les flammes. Une fin digne des sagas, cruelle, sublime jusqu’au dernier cri.
5. Rusla : la pirate rouge sang
Oubliez les hommes. La terreur des mers du Nord, c’était elle Inghen Ruaidh. C’est ce que raconte un texte irlandais du 10 éme siécle…
On l’appelait « la Fille Rouge », pas pour sa chevelure, mais pour la couleur que prenaient les vagues après ses batailles.
Son frère, légitime héritier d’un royaume, se fit voler son trône d’Irlande. Rusla n’accepta pas l’injustice. Elle rassembla une flotte, la mena et attaqua les envahisseurs, sans pitié.
On dit qu’elle mourut trahie. Jetée à la mer par ses propres troupes.
6. Sigrid la hautaine : La reine qui embrasa ses prétendants
Sigrid la Hautaine n’avait pas le cœur à la romance. Elle était reine de Suède, maîtresse de son destin et, surtout, farouchement indépendante. Mais voilà, à son époque, une femme de pouvoir sans époux, ça dérangeait.
Les prétendants affluaient, venus de royaumes voisins, tous persuadés que leur couronne suffirait à la séduire. Ils se croyaient puissants. Elle, les trouvait idiots. Et l’ennui, c’est dangereux chez une femme viking.
Un soir, elle convia plusieurs d’entre eux à un banquet. Chaleureuse, souriante, elle leur servit des boissons fortes. Puis, elle ordonna de verrouiller les portes… et d’incendier la salle.
Les cris s’élevèrent, les flammes dansèrent. Elle, elle resta dehors, insensible, observant les flammes lécher les murailles. « Voilà qui devrait calmer les suivants. »
On dit qu’elle épousa finalement Sven à la Barbe Fourchue, futur roi de Danemark et de Norvège. Mais ce fut un mariage de pouvoir, pas d’amour. Elle le gouverna plus qu’il ne la gouverna. Et son nom traversa les âges, comme un avertissement : « Ne prenez jamais une femme viking de haut. »
7. Alfhild : La princesse pirate
Le destin d’Alfhild semblait tracé d’avance : fille de roi, épouse modèle. Un prince s’éprit d’elle et réclama sa main. Problème ? Elle ne voulait pas.
Alors, plutôt que de se plier à la tradition, elle s’habilla en homme, s’arma d’une épée et s’enfuit sur les mers. Elle rassembla une flotte, convainquit ses compagnes de route de fuir leur sort et devint capitaine de pirates.
Des années durant, elle écuma les côtes, attaquant les navires, pillant les marchands, semant la panique sur les eaux du Nord.
Le destin a de l’humour. Un jour, elle croisa la route du prince qu’elle avait fui… et, sans savoir qui il affrontait, il la vainquit sur le champ-de-bataille.
Plutôt que de l’exécuter, il tomba à nouveau sous son charme. Cette fois, elle choisit de l’épouser. Mais, avait-elle vraiment perdu ? Elle avait connu l’aventure, la liberté et la guerre. Une viking dans l’âme, du début à la fin.
8. La Guerrière de Birka : Quand l’archéologie venge l’Histoire
Birka. Une île suédoise, jadis un carrefour du commerce des vikings. Un tombeau, richement orné, découvert en 1878.
Les archéologues, ravis, proclament : « Un grand guerrier viking repose ici. » Pourquoi ? Une épée, un bouclier, un cheval, des pièces de jeu de stratégie. Il n’y avait aucun doute.
Sauf que si.
En 2017, une analyse ADN bouleverse l’histoire : le squelette est féminin.
Silence gêné chez les spécialistes. Une femme guerrière ? Non, sûrement une erreur. Ils vérifient. Les résultats tiennent bon.
Les livres historiques tremblent. Pendant plus d’un siècle, on avait refusé d’envisager l’évidence. Mais la guerrière était bien une combattante, avec les mêmes honneurs qu’un homme.
Une preuve éclatante que, parfois, l’archéologie réécrit ce que l’on croyait savoir.
9. Gunnhild : La reine des vikings
Gunnhild Kongemor (Gormsdóttir) n’était pas seulement une reine. Elle était une stratège, une chef de guerre, une manipulatrice redoutable.
Femme du roi Erik à la Hache Sanglante, elle régna autant que lui, gouvernant avec ruse et puissance.
Les récits racontent qu’elle avait appris la magie chez les sorcières finnoises et qu’elle manipulait les hommes aussi bien que le pouvoir.
À la mort de son époux, elle prit les rênes. Elle guida ses fils, négocia, combattit, écrasa ses ennemis. Gunnhild obtient le surnom vieux norrois « Konungamóðir », qui se traduit en français par « Mère des Rois ».
À la fin, ses ennemis l’exilèrent. Mais son nom survécut aux siècles.
10. Aud ou Unn la Sage : La chef de clan qui bâtit une dynastie
Aud la Sage était veuve. Son époux, Olaf le Blanc, roi de Dublin, mort en Irlande, lui laissait des terres… mais les guerres faisaient rage.
Plutôt que de plier, elle prit la mer, rassembla ses troupes, et devint chef de clan.
Arrivée en Islande, elle divisa ses terres avec intelligence, offrant à sa tribu une part, gagnant leur loyauté à vie.
Une femme qui bâtit un royaume, non par la guerre, mais par la stratégie.
11. Skadi : La déesse chasseresse
Skadi n’est pas seulement un mythe.
Dans la mythologie nordique, c’était une Jötunn, une géante, la déesse de la chasse, une chasseuse des montagnes, qui exigea justice des dieux après la mort de son père le géant Thjazi.
Plutôt que d’accepter un silence imposé, elle les força à l’écouter.
Odin lui offrit un mari Njörd. Mais elle voulait la liberté.
Elle finit par rester dans les neiges éternelles, symbole des femmes qui ne se laissent pas dicter leur destin.
12. Åsa Haraldsdottir d’Agder : La reine vengeresse
Fille du roi Harald Granraude d’Agder, Åsa menait une vie paisible jusqu’à ce que Gudrød le Chasseur, roi du Vestfold, exige sa main. Son père refuse. Gudrød attaque, tue Harald et son fils, et enlève Åsa de force.
Un an plus tard, elle donne naissance à Halfdan le Noir, futur roi. Mais Åsa n’oublie pas. Une nuit, elle ordonne à une servante d’assassiner Gudrød.
Plutôt que de rester dans le Vestfold, elle récupère son fils et retourne à Agder, où elle règne pendant vingt ans. Lorsqu’Halfdan atteint l’âge adulte, elle lui cède le trône. Son fils deviendra le père de Harald à la Belle Chevelure, unificateur de la Norvège.
Certains pensent qu’Åsa fut inhumée dans le célèbre navire d’Oseberg en 834, mais aucune preuve formelle ne le confirme. Reine, stratège, mère d’une lignée légendaire, elle incarne la force et l’intelligence des souveraines vikings.
13. Veborg : La guerrière de Bråvalla
En 750, lors de la bataille de Bråvalla, Veborg, skjaldmö légendaire, combat aux côtés du roi Harald Hildetand contre son vice-roi Sigurd Hring. Dans cette guerre pour le contrôle de la Suède, trois cents skjaldmös prennent les armes.
Le combat est brutal. Après la mort du redoutable Ubbe de la Frise, Veborg attaque Starke, lui tranche la mâchoire, mais il survit. Elle affronte ensuite Thorkell le Tenace dans un duel acharné. Après de nombreuses blessures, il parvient à l’abattre.
Saxo Grammaticus chante ses exploits et son nom parmi les plus grands guerriers. Veborg prouve que les femmes vikings n’étaient pas que des spectatrices de la guerre – elles en étaient les héroïnes.
14. Hetha : La reine guerrière du champ de bataille
Hetha n’était ni une princesse fragile, ni une épouse soumise. Elle était une guerrière, une vraie, forgée dans le fer et le sang. Dans la Gesta Danorum, Saxo Grammaticus la décrit comme une skjaldmö, une femme bouclier, qui ne devait son statut ni à un mariage ni à une lignée, mais à sa force et son courage.
Elle combattit lors de la bataille de Bråvalla, aux côtés de Veborg et Wisna, défendant les couleurs du roi Harald Hildetand. Sa bravoure fut telle qu’après la guerre, elle fut faite reine, preuve que les guerriers vikings respectaient ceux qui savaient prouver leur valeur sur le champ de bataille, quel que soit leur genre.
Le combat ne fut pas seulement sa passion, mais son héritage. Dans un monde dominé par les hommes, Hetha prit son trône les armes à la main, et son nom résonne encore parmi les légendes du Nord.
15. Wisna : La capitaine mutilée
Parmi les skjaldmös ayant combattu à Bråvalla, Wisna fut l’une des plus redoutables. À la tête d’une troupe de guerrières, elle mena les armées du roi Harald, défendant avec férocité la bannière des séparatistes.
Son duel contre Starke, l’un des champions de l’armée adverse, est resté gravé dans les récits. Elle se battit avec rage, mais en plein combat, il lui trancha un bras. Pourtant, même mutilée, elle continua de se battre, refusant de reculer, prouvant que l’honneur passait avant la douleur.
Wisna incarne l’esprit des vikings dans toute sa brutalité et son intransigeance. Pour elle, mourir avec une arme à la main valait mieux qu’une vie passée à reculer. Son nom, bien que moins connu que d’autres, reste celui d’une capitaine qui n’a jamais courbé l’échine.
Influence des guerrières vikings dans la culture moderne
Des Icônes réinventées dans les séries et films
Les guerrières vikings, longtemps oubliées de l’Histoire nordique, ont retrouvé leur place grâce à la culture populaire. La série Vikings a propulsé Lagertha au rang d’icône, inspirée des sagas nordiques et des découvertes archéologiques. Katheryn Winnick, qui l’incarne, a donné un visage à ces combattantes, mêlant mythe, fiction et spectacle.
D’autres productions, comme le film Northman (2022) ou la série The Last Kingdom, explorent le rôle des femmes nordiques. Si certaines œuvres prennent des libertés historiques, elles ont le mérite de rendre visibles ces figures oubliées.
Conclusion
Grâce aux récits nordiques, à l’histoire des valkyries, des femmes scandinaves et aux découvertes archéologiques, le rôle des femmes dans la société viking se redessine. Ces reines, pirates ou combattantes, ont marqué leur époque et influencent encore la culture moderne.
Loin des mythes et des stéréotypes, leur existence soulève une question fascinante : combien d’autres vérités l’histoire n’a-t-elle pas encore révélées ? Les recherches contemporaines continuent, et avec elles, les légendes, les mythes et les réalités vikings s’écrivent encore. Et vous qu’en pensez-vous ?
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