Parmi les mythes scandinaves, celui d’Hrímfaxi et Skinfaxi est réellement fascinant. Ces deux chevaux légendaires sont en effet les porteurs de lumière et d’obscurité dans le cosmos viking. En tirant le char de Nótt et de Dag, ces créatures divines de la mythologie nordique marquent ainsi le jour et la nuit sur la terre.
Les origines de Hrímfaxi et Skinfaxi
Hrímfaxi et Skinfaxi peuvent signifier en vieux norrois : « crinière givrée ou constellée de givre » et « crinière étincelante« . Leurs origines sont décrites dans plusieurs sources scandinaves très anciennes.
L’Edda poétique : Skinfaxi est cité dans le Vafþrúðnismál à la strophe 11. Odin déguisé lance un jeu de devinettes avec le géant Vafþrúðnir :
« Skinfaxi, il s’appelle
Celui qui tire le clair
Jour au-dessus des peuples :
On le tient pour le meilleur des chevaux
Chez les Hreidgots
Toujours luit la crinière du coursier. »
Quant à Hrímfaxi, on le retrouve dans la strophe 14, qui est présenté ainsi :
« Hrimfaxi, il s’appelle
Celui qui tire chaque nuit
Sur les utiles dieux ;
Il laisse de son mors
Chaque matin tomber l’écume
De là vient la rosée dans les vallons. »
Edda en prose : Hrímfaxi et Skinfaxi sont également mentionné dans l’ouvrage de Snorri Sturluson en paraphrasant le Vafþrúðnismál, dans le Gylfaginning. Nótt est la fille du géant Narfi et est mariée à Delling. De leur union est né un fils : Dag, le dieu du jour. Le dieu Odin, offre à Nótt et Dag deux chars avec deux magnifiques chevaux pour parcourir la terre en un jour. La traduction de Frédéric-Guillaume Bergmann, narre donc ce mythe comme suit :
« Nuit chevauche au-devant, sur le cheval qui est nommé Crin-Givreux (Hrimfaxi), et qui, chaque matin, arrose la terre des gouttes de son mors. Le cheval que Jour possède est appelé Crin-Luisant (Skinfaxi), et il éclaire de sa crinière l’air entier et la terre »
Des origines bien antérieures
D’après Régis Boyer et l’historien du cheval Marc-André Wagner, le mythe des chevaux mythologiques Hrímfaxi et Skinfaxi serait bien plus ancien. Il remonterait à la poésie scaldique et au système mythologique des pays nordiques à l’âge du bronze.
En effet, c’est à cette époque que l’archéologue danois Flemming Kaul apporte des preuves solides sur les croyances d’un cheval tirant un char (représentant le soleil) dans les cieux. Par ailleurs, ces deux chevaux cosmiques pourraient jouer le même rôle que les montures de la déesse Sol : Árvakr et Alsviðr.
En outre, dans un article de la revue Mediaevistik, Régis Boyer fait aussi le lien avec le char solaire de Trundholm (un artefact datant de cette époque). Il cite d’autres exemples de chevaux héliophores parmi les gravures rupestres datant de l’âge du bronze.
Quel rôle jouent Hrímfaxi et Skinfaxi dans le folklore viking ?
Comme de nombreux chevaux de la mythologie nordique, Hrímfaxi et Skinfaxi sont des animaux divins et vénérés. En donnant naissance au cycle éternel du jour et de la nuit, ils sont indispensables au maintien de l’ordre à travers le monde.
Hrímfaxi, le cheval de la nuit
Hrímfaxi est le magnifique cheval à la crinière givrée qui tire le char de Nótt, la déesse de la nuit. La légende scandinave raconte qu’il possède une crinière constellée de givre. Haletant durant son vol à travers les cieux, la bave qui coule autour de son morse se transforme en rosée du matin. Chaque matin, alors que Nótt conduit son char, la crinière de Hrímfaxi répand une lumière douce et argentée afin de créer une atmosphère magique dans les ténèbres de la nuit.
Skinfaxi, le cheval du jour
Skinfaxi, à l’inverse de Hrímfaxi, est le cheval qui tire le char de Dag, fils de Nótt et dieu du jour. Sous les premiers rayons du soleil, sa crinière étincèle de mille feux pour illuminer le ciel et éclairer le monde. Skinfaxi galope dans les cieux avec grâce et fierté, en succédant à Hrímfaxi afin d’annoncer l’arrivée d’un nouveau jour rempli de promesses et de belles opportunités à saisir.
La symbolique de Hrímfaxi et Skinfaxi dans la mythologie nordique
Véritables symboles de la mythologie nordique, Hrímfaxi et Skinfaxi sont des chevaux sacrés. Ils sont à l’origine du cycle perpétuel du jour et de la nuit à travers le cosmos viking. Aussi, ils incarnent une symbolique riche et profonde qui va bien au-delà de leur simple rôle cosmique dans la mythologie nordique. Voici quelques exemples importants de ces symboles.
La dualité et l’équilibre du monde
En incarnant respectivement la nuit et le jour, Hrímfaxi et Skinfaxi représentent la dualité fondamentale dans l’univers nordique. Leur duo est effectivement indispensable pour maintenir l’ordre sur terre et équilibrer les forces opposées. Sans l’un, l’autre perdrait inévitablement son rôle et son pouvoir, soulignant en parallèle leur interdépendance. Ainsi, ils démontrent que leur complémentarité est nécessaire, voire essentielle, pour assurer l’harmonie cosmique.
Par ailleurs, la dualité entre Hrímfaxi et Skinfaxi peut également être interprétée sur un plan psychologique, symbolisant les aspects opposés de la psyché humaine. Hrímfaxi pourrait donc représenter les aspects sombres et inconscients de l’esprit. A l’inverse, Skinfaxi pourrait symboliser la conscience et la clarté.
L’obscurité et la lumière
Hrímfaxi, le cheval de la nuit, symbolise le mystère et l’inconnu qui terrorisent parfois les mortels. De ce fait, il incarne les méandres de l’inconscience humaine mais également les mystères qui entourent l’univers. L’obscurité de la nuit est souvent la cause des angoisses et des cauchemars, tout comme sa crinière givrée qui évoque la froideur des ténèbres.
Skinfaxi, quant à lui, symbolise la lumière du soleil et cela peut être associé à la source de connaissance. Ainsi, sa crinière brillante peut incarner la clarté de l’esprit et la capacité de faire le jour sur des choses incomprises ou obscures. Il offre la possibilité de voir la vérité et la réalité sans artifice.
C’est pourquoi, leur association est essentielle pour comprendre qu’il est important d’accepter les parts d’ombres et de lumière de l’existence. C’est dans la complémentarité de ces forces opposées que le monde puise son équilibre et qu’elle peut donc pleinement s’épanouir.
La transformation et le renouveau
Enfin, ces deux chevaux cosmiques peuvent être la symbolique de la transformation et du renouveau au travers des jours et des nuits qui se succèdent. En effet, chaque lever du jour avec l’arrivée du soleil représente une nouvelle opportunité à saisir, une chance d’accomplir de nouvelles choses. Tandis que la tombée de la nuit offre l’occasion de se reposer, de se régénérer afin de pouvoir être plus productif le lendemain et relever de nouveaux défis.
D’autre part, leur union symbolise le renouvellement spirituel et la renaissance de l’âme. Enfin, le cycle éternel du jour et de la nuit rappelle qu’il est indispensable d’accepter le changement dans la vie. Il nous pousse à renforcer notre capacité à nous adapter et à nous réinventer afin de vivre pleinement son existence. De libérer l’énergie solaire qui sommeille en nous afin de rayonner et d’être épanoui, même durant les moments les plus sombres.
Hrímfaxi et Skinfaxi au travers des arts
Chevaux légendaires de la mythologie nordique, Hrímfaxi et Skinfaxi ont su inspirer les artistes de différentes époques. Il est possible de citer comme exemple un chandelier germanique datant du XIIe siècle donné au Louvre par M. Sauvageot, en 1856. Les antiquaires C. Cahier et Arthur Martin interprètent cette œuvre d’art comme une possible représentation de Nótt et de son cheval Hrímfaxi. De plus, le peintre norvégien Peter Nicolai Arbo, connu pour avoir peint de nombreux sujets de la mythologie nordique, a représenté ces deux chevaux montés de leur divinité en 1874 et 1887.
Il est également fort possible que Hrímfaxi et Skinfaxi aient inspiré le célèbre Tolkien pour imaginer ses chevaux de la Terre du Milieu et notamment Shadowfax (Gripoil), la monture de Gandalf. D’autres écrivains mettent en lumière ces chevaux cosmiques comme l’auteur autrichien Helmut Eisendle avec son ouvrage « Skinfaxi in den Wäldern: ein Märchen » de 1983. Ou encore, L’autrice américaine Nancy Marie Brown qui cite ces deux chevaux mythologiques dans son récit de voyage « A Good Horse Has No Color: Searching Iceland for the Perfect Horse », en 2001.
Enfin, il est possible de retrouver le cheval du soleil et le cheval de la lune dans le jeu vidéo de Namco Ace Combat : Squadron Leader. Deux sous-marins que le joueur doit détruire portent en effet les noms de ses deux créatures célestes.
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