On l’a vu surgir dans les brumes. Ou bien juste deviné, sous les remous. Le Kraken, monstre des abysses, fait frissonner les fjords depuis des siècles. Il ne parle pas. Il n’a pas besoin. Ses tentacules claquent comme des fouets d’écume. Ses yeux ? Deux gouffres. On dit qu’il engloutit les bateaux. Qu’il soulève l’océan. On dit beaucoup. Et pourtant, il est toujours là.Il hante les textes norvégiens, les sagas perdues, les contes d’anciens marins. Même Thor aurait préféré éviter sa route. Parce qu’au fond, le Kraken n’est pas qu’une créature. C’est un symbole. Celui d’une mer qui pense, qui attend, et qui frappe. Un mythe ? Oui. Mais un mythe qui respire encore dans nos films, nos jeux, nos cauchemars.
Origines et Évolution du Mythe
Le Kraken ne sort pas d’un film. Il sort d’un livre. Un vieux, très vieux livre. On le découvre d’abord dans une saga : l’Örvar-Odds saga. Un héros y parcourt les océans. Il y affronte le Lyngbakr, et le Hafgufa. Ces deux-là ressemblent au Kraken. L’un est une île vivante. L’autre, un souffle marin géant. Ce sont eux les ancêtres de cet animal fabuleux. Ou ses cousins difformes. Ou ses doubles.
Un peu plus tard, au XIIIe siècle, le Konungs skuggsjá, « Le miroir royal », écrit vers 1250, le nomme. On y apprend qu’il vit au large des côtes norvégiennes. On dit même qu’il est si grand et si long que deux bateaux pourraient le pêcher en même temps. Mais personne n’y survivrait.
Son nom ? Il claque comme un avertissement. Kraken vient du mot norvégien « krake ». Il veut dire « bête tordue », ou « chose malsaine ». Ce n’est pas une insulte. C’est une mise en garde. Les hommes ont donc inventé un nom pour ce qu’ils ne pouvaient pas comprendre. Et ce nom, qui fait trembler, flotte comme une histoire mythique depuis mille ans, quelque part entre deux tempêtes.
Et soudain, on le retrouve dans les écrits de Carl von Linné, en 1735. Le Kraken est classé comme un céphalopode. Sérieusement. Il s’appelait Microcosmus. Mais il a disparu des éditions suivantes. Le monstre glissait déjà hors des cases.
Description et Caractéristiques
Ce calamar des légendes nordiques fascine autant par son gigantisme que par la peur primitive qu’il incarne. Voici ce que les textes anciens et les récits de marins nous révèlent sur son apparence et son comportement.
Une créature colossale et trompeuse
Le Kraken n’est pas un poisson. Ce n’est pas non plus une baleine. C’est un cauchemar de chair et de sel, dont l’envergure défie la raison. On l’a souvent pris pour une île. Certains marins racontent avoir jeté l’ancre sur son dos sans s’en douter. Jusqu’à ce que la “terre” commence à bouger.
Ses tentacules impressionnantes, semblables à des mâts gigantesques, s’enroulent autour des coques, les brisent, les engloutissent. Son corps, silencieux, visqueux, presque invisible dans les profondeurs, est taillé pour surprendre et détruire. Et ses yeux, immenses et fixes, semblent observer sans cligner ni juger.
Un piège vivant, patient et vorace
Mais le Kraken ne chasse pas comme les autres. Il attire. Il relâche une matière noire, fétide, dans les eaux. Les poissons affluent, les pêcheurs aussi. C’est là que le calmar géant attend. Il attaque les navires et frappe surtout quand l’homme se croit en sécurité. Il festoie. Puis digère pendant trois mois. Puis, il refait surface au bout de trois autres mois.
Son retour est encore plus redouté que son apparition. Car en replongeant, il crée un tourbillon. Un vortex géant, capable d’aspirer des navires entiers dans les abysses. Ce phénomène est décrit dès le XVIIIe siècle par l’évêque de Norvège Erik Pontoppidan.
Entre mythe scandinave et réalité biologique
Certains pensent que ces récits exagérés reposent sur une réalité bien concrète : celle des calmars géants. Longs de 13 à 15 mètres, ces céphalopodes ont des becs capables de trancher, des yeux de la taille d’un ballon de football, et une puissance musculaire colossale.
Alors, le Kraken ? Un monstre marin légendaire, oui. Mais pas entièrement inventé. Il est le reflet déformé, agrandi, terrifié, d’un animal réel. Et peut-être, quelque part, ce reflet continue de bouger dans les abysses.
Comment le Kraken se compare-t-il à d’autres monstres marins des légendes ?
Parmi les créatures des mers, le Kraken tient une place à part. Il ne se contente pas de dévorer. Il fascine, il enveloppe, il obsède.
Là où le Léviathan, issu de la tradition biblique, incarne la colère divine et le chaos pur, il semble plus sournois. Il ne rugit pas : il attend. Il remonte en silence, comme une punition lente. Face au Jörmungandr, le serpent de mer de la mythologie scandinave, il paraît moins céleste, mais plus charnel. Moins prophétique, mais plus physique. Là où le serpent enserre le monde, il enserre les coques.
Le Hafgufa, parfois confondu avec le Kraken, est une vapeur vivante. Une illusion. Une terreur diffuse. Le Kraken, lui, est concret, massif, il explose la surface.
Enfin, les sirènes, les basilics de mer, les baleines mythiques comme le Lyngbakr… Tous jouent avec l’homme. Le Kraken, lui, le brise.
Le Kraken dans la Mythologie Nordique
Le Kraken n’a jamais serré la main d’Odin. Il n’en avait pas besoin. Il n’est pas un dieu. Il n’est pas un homme. Il est un avertissement.
Dans la mythologie nordique, il représente ce que les dieux eux-mêmes redoutaient : le chaos. Il est lié à d’autres bêtes. À d’autres horreurs comme Jörmungandr, le serpent gigantesque. Ou le Léviathan, plus biblique, mais tout aussi aquatique. Le Kraken, lui, ne parle pas. Il surgit. Mais il surgit toujours dans les légendes des peuples du Nord.
Certains manuscrits évoquent le Hafgufa, “la vapeur de mer”. D’autres parlent du Lyngbakr, une créature si grande qu’on y pose des tentes. Un mythe est né dans le fond des océans. Le fond des peurs. Même les dieux n’y vont pas. Thor, pourtant colosse, évite les eaux profondes. Loki, lui, aurait sûrement ri devant le Kraken. Avant d’être avalé. Car chez les vikings, la mer est une bouche. Et le Kraken, ses dents.
Le Kraken et la Réalité : Mythe ou Vérité ?
Depuis des siècles, le Kraken est l’un des monstres marins les plus effrayants des sagas scandinaves. Mais derrière l’imaginaire, une part de réalité pourrait bien exister.
Une légende née de l’océan… et de la science
Un calmar géant, immense, incontrôlable. Dévoreur de navires. Et si ce n’était pas qu’un conte ?
La mer ne ment pas. Elle ne parle pas non plus. Elle dissimule. Et parfois, dans un souffle, elle laisse émerger un fragment de vérité.
Il est fort probable que la légende du Kraken trouve sa source dans les observations réelles de calmars géants. Des créatures abyssales, longues de 13 à 15 mètres. Vivant dans les profondeurs, elles ont pourtant été vues en surface. Et parfois, elles ont effleuré – ou heurté – les coques des navires de la marine.
Pendant des siècles, des matelots nordiques, des pêcheurs ou des explorateurs vikings, ont affirmé l’avoir vu. À distance, souvent. Trop près, parfois. Leurs récits parlaient de bras monstrueux, de regards immobiles, d’embarcations happées sans laisser de trace. D’abord moqués, ils furent plus tard écoutés par la marine. Car la science aussi, à son tour, a vu.
Des calmars gigantesques ont été filmés. Certains repêchés. D’autres disséqués. Ils ont des becs capables de trancher un os. Des muscles puissants. Des yeux de la taille d’un bouclier. Le doute a reculé. Le mythe, lui, s’est précisé.
Au début du XIXe siècle, le naturaliste français Pierre Dénys de Montfort tenta même de classifier deux types de pieuvres géantes. Il alla jusqu’à proposer qu’une mystérieuse disparition de dix navires de guerre britanniques en 1782 ait été causée par l’une d’elles. Hypothèse sensationnelle, mais balayée par les faits. Il en perdit sa carrière… et la vie.
Alors oui, le Kraken est sans doute une exagération. Un vertige. Mais il n’est pas né du vide. Il est le reflet amplifié d’une peur réelle, d’une présence obscure, tapie dans l’eau noire.
Il nous murmure que, même aujourd’hui, l’inconnu habite toujours les profondeurs.
Le Kraken dans la Culture Populaire
Le Kraken n’a pas seulement terrorisé les marins du Nord. Il s’est glissé dans tous les recoins de la culture populaire à tel point qu’il est devenu une légende vivante, une icône fantastique, tantôt effrayante, tantôt fascinante.
Dans la littérature
Le Kraken inspire depuis le XIXe siècle :
- Vingt mille lieues sous les mers (Jules Verne, 1870) : un combat mémorable contre des calmars colossaux.
- Les Travailleurs de la mer (Victor Hugo, 1892) : « le monstre marin que la science appelle céphalopode, que la légende appelle Kraken ».
- The Kraken (Alfred Tennyson, 1830) : un poème sombre sur un monstre endormi dans les abysses.
- Le Livre des êtres imaginaires (Jorge Luis Borges, 1957) : une vision encyclopédique du Kraken.
- Harry Potter : un calmar géant dans le lac de Poudlard, clin d’œil à la bête légendaire.
- Le Trône de Fer (George R. R. Martin) : emblème des Greyjoy, le calmar incarne leur fierté et leur brutalité.
Au cinéma
Le Kraken a explosé sur grand écran :
- Le Choc des Titans (1981, 2010) : monstre invoqué par les dieux, incarnation du chaos marin.
- Pirates des Caraïbes : Le Secret du coffre maudit (2006) : l’arme de Davy Jones, dévoreuse de navires.
- Un cri dans l’océan (1998) et La Communauté de l’Anneau (2001) : variations modernes.
- Ruby, l’ado Kraken (2023) : relecture adolescente où le calmar géant devient héroïne et gardienne des océans.
Dans les séries télévisées
Le Kraken a aussi pénétré les écrans de télévision, se glissant dans les intrigues, les symboles et les clins d’œil.
- Les Mystères de l’Ouest : dans l’épisode « La nuit des monstres marins », le Kraken surgit en pleine Amérique du XIXe siècle.
- Game of Thrones : l’emblème de la Maison Greyjoy est un Kraken doré. Il représente la domination des océans, l’orgueil et la brutalité des fer-nés.
- Once Upon a Time : dans la saison 6, l’épisode 6 évoque le Kraken dans l’univers féerique et revisité de la série.
- The Big Bang Theory : clin d’œil humoristique dans la saison 7, où le Kraken surgit dans une réplique de geek en délire.
- Umbrella Academy : l’un des personnages principaux, Diego Hargreeves, porte le nom de code « Kraken », reflet de sa maîtrise aquatique et de sa puissance sombre.
- The Witcher : bien qu’il n’apparaisse pas directement, le keyran, un animal tentaculaire, en est fortement inspirée.
Dans les jeux vidéo
il surgit là où on ne l’attend jamais :
- God of War II : Kratos affronte un Kraken furieux au bord de la mythologie.
- Sea of Thieves : les joueurs vivent la peur en temps réel quand les tentacules apparaissent.
- Minecraft, World of Warcraft, Final Fantasy, Tomb Raider, Smite : le Kraken y devient boss, totem, ou pouvoir destructeur.
Dans les bandes dessinées, mangas et séries
- Saint Seiya, One Piece, Blue Exorcist, Umbrella Academy : le Kraken y prend des formes variées, de gardien à divinité.
- Dans Game of Thrones, la Maison Greyjoy en fait son emblème, signe de force brute et de pouvoir ancestral.
Et dans le reste du monde
il continue d’émerger :
- Marque de rhum, plateforme de cryptomonnaie, manège de parc d’attractions, botnet, équipe de hockey… même la virologie s’en est emparée avec le variant « Kraken ».
Finalement, le Kraken, cet animal terrifiant, est devenu une icône culturelle, symbole de mystère et de puissance.
Où pouvez-vous trouver plus d’informations sur le Kraken ?
Pour plonger plus profondément dans les dédales de ce mythe, plusieurs sources s’offrent à vous.
Ouvrages spécialisés à lire
- Mythes nordiques – Neil Gaiman : une réécriture fluide et respectueuse des grandes légendes scandinaves.
- La Mythologie viking – Régis Boyer : référence incontournable pour comprendre les croyances du Nord ancien.
Portails en ligne recommandés
- Mythologica.fr – Dossiers thématiques sur les créatures légendaires et les mythes européens.
- World History Encyclopedia – Articles détaillés sur la mythologie viking et ses figures marines.
- Skjalden.com – Site anglophone spécialisé dans les légendes et l’histoire des peuples nordiques.
Le Kraken est partout. Il suffit d’oser le chercher dans les bons abysses.
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