Il était une fois Blenda. Une femme. Un nom. Un cri venu du cœur du Småland. Pas une princesse. Encore moins une guerrière. Mais une flamme. Une ruse. Un vertige de courage. Pendant que les hommes faisaient la guerre loin, les Danois sont arrivés. Avec leurs haches. Et leurs appétits. La Suède n’avait plus de soldats. Mais elle avait ses femmes.Et au milieu d’elles, il y avait Blenda. Elle n’a pas levé une armée. Elle a levé la tête. Puis elle a dit : « On ne se laisse pas faire. »
La suite ? Une légende suédoise. Un chant transmis de mère en fille. Et le début d’un des actes les plus subversifs de l’histoire du Värend. C’est ici que commence la vraie histoire. Pas celle des rois. Celle des femmes de Småland, qui dirent non à l’envahisseur. Et ce non fit trembler tout un royaume.
Le contexte : un royaume vide, une menace pleine
Le Småland, au sud de la Suède. Un coin de terres brisées, de pins tordus, de silences lourds. À cette époque, le roi Alle avait des ambitions. Trop grandes peut-être. Il avait envoyé ses vikings guerroyer en Norvège.
Les hommes du Nord étaient partis. Tous. Le pays, lui, avait été laissé aux femmes. Et aux vieux. Et aux enfants.
Alors, bien sûr, les Danois ont flairé l’aubaine. Le vent n’était même pas tombé que leurs voiles s’approchaient déjà. Rapides. Sombres. Ils sont entrés sans résistance. Le Värend leur tendait les bras.
Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’il y avait Blenda.
Et Blenda regardait ces hommes venir avec leurs épées, et leur suffisance. Elle savait une chose : le roi n’était pas là. Le royaume, pourtant, ne tomberait pas. Parce que parfois, l’absence d’épée réveille l’intelligence. Et que cette fois, l’intelligence portait une tresse et parlait en suédois ancien.
La ruse de Blenda contre l’armée danoise
L’histoire commence dans un Småland déserté. Le roi Alle, parti guerroyer en Norvège, a emporté tous ses hommes. Il ne reste que les femmes, les enfants, les vieillards. Et le silence, lourd comme une menace. Mais très vite, le roi danois Taxe est informé. Une région sans défense ? L’occasion est trop belle.
Il lance alors une campagne de pillages. Les villages brûlent. Les cris montent. La peur s’installe. Mais dans le canton de Konga, une jeune femme se lève. Son nom ? Blenda.
Elle n’a pas d’armée. Pas de titre. Seulement une idée. Et un appel. Elle demande aux femmes des cantons de Konga, Albo, Kinnevalds, Norrvidinge et Uppvidinge de la rejoindre.
Toutes viennent, à pied ou à cheval. Elles portent ce qu’elles ont : nourriture, bière, courage. Leur rendez-vous se tient à Gemla. C’est là que Blenda leur parle. Et qu’elle dévoile son plan.
Elles doivent attirer les Danois. Les séduire. Puis frapper. Leur piège sera un festin, organisé près du lac Salen, à Bråvalla.
Les femmes prétendent qu’elles s’ennuient, seules, privées de maris. Et elles invitent les soldats à partager leur table. Les Danois, naïfs, accourent. Ils voient les mets, les jarres de bière, les chants. Mais les femmes ont disparu. Les soldats se jettent sur la nourriture. Ils boivent. Ils rient. Ils s’effondrent, repus, ivres.
C’est alors que Blenda et ses compagnes surgissent des forêts. Haches, couteaux, épées, lances. Les femmes attaquent. La scène est brève. Sanglante. L’ennemi est décimé. Mais tout n’est pas terminé. Une autre partie de l’armée danoise campe non loin de là.
Blenda ne recule pas. Elle divise ses troupes en trois. Et elle encercle les derniers pillards. À nouveau, les Danois dorment. Et à nouveau, les femmes frappent. Ce jour-là, l’armée danoise est anéantie jusqu’au dernier homme.
Conséquences de la victoire sur les droits des femmes
Quand le roi Alle revint, il trouva un pays sauvé. Mais pas par ses soldats. Par ses femmes. Il écouta. Il comprit. Puis il déclara : « Ce qu’elles ont fait, les hommes n’en auraient peut-être pas été capables. »
Il fallait donc honorer cet acte. Mais pas seulement par des mots. Le roi Alle décida de changer la loi.
Dès lors, les femmes de Värend hériteraient à parts égales. Comme les hommes. Cela ne s’était jamais vu en Suède. Ailleurs, les filles recevaient moins. Ou rien. Ici, elles devenaient les égales en droit.
Un privilège ? Non. Une reconnaissance. Une dette. Ce changement fut inscrit. Transmis. Proclamé. Et pendant des siècles, le Värend fut un territoire d’exception.
Grâce à Blenda. Grâce à celles qui, une nuit, avaient dit : « C’est assez. » Ainsi, de cette ruse de guerre, naquit une victoire juridique. Et cette victoire pesa lourd dans l’histoire des droits des femmes en Suède.
Encore aujourd’hui, des juristes s’en souviennent. Et dans les chants populaires, la parole revient : « Là où Blenda passa, le droit suivit. »
Blenda : légende suédoise ou histoire vraie ?
Les historiens ont voulu en avoir le cœur net. Car une telle histoire ne peut dormir sans réveiller les curieux. La première mention écrite de Blenda remonte aux années 1680. Tardif ? Oui. Mais suffisant pour attiser les débats.
Certains chercheurs ont tenté de la dater. Ils la placent à différentes époques. Peut-être en 1270, lors d’une attaque du roi danois Erik Klipping. D’autres évoquent Sven Grathe, vers 1150. Et certains remontent jusqu’à 1123, pendant l’attaque de Kalmar par Sigurd Jorsalafare.
Plusieurs hypothèses, donc. Aucune certitude. Mais d’autres historiens rejettent tout cela. Pour eux, cette histoire est une pure invention populaire. Une fable.
Elle aurait été créée pour justifier, après coup, les droits spéciaux accordés aux femmes du Värend. Et pourtant… il y a ce droit. Inscrit. Appliqué. Respecté pendant des siècles.
D’où venait-il ? Pourquoi ce seul territoire suédois le possédait-il ?
C’est là que la légende prend le pas sur les faits, et que la mémoire devient plus forte que les archives. Blenda n’est peut-être pas une femme réelle. Mais elle est une vérité symbolique. Elle incarne ce que la Suède a voulu transmettre : que le courage peut changer la loi. Et que la ruse peut vaincre la force.
Alors, vraie ou non, Blenda vit encore. Dans les débats. Dans les livres. Et dans les cœurs.
Blenda dans la culture suédoise contemporaine
Blenda n’a pas disparu dans les brumes du Småland. Elle revient. Encore. Partout où la Suède veut se souvenir de ses femmes debout.
Chaque année, dans la région de Värend, on célèbre encore son nom. Dans certaines localités, des fêtes populaires évoquent sa ruse. Des petites filles jouent la scène du festin. Des chorales entonnent des chants en vieux suédois.
Mais ce n’est pas tout.
En 1871, l’auteur F. A. Dahlgren écrit la pièce « Blenda eller en svensk qvinnas bragder » (Blenda ou les exploits d’une femme suédoise). C’est un drame héroïque, joué à Stockholm, qui fait salle comble.
Plus tard, dans les années 1900, des écoles de filles en Suède porteront le nom de Blenda. Comme un rappel, discret mais solide, de ce qu’elle symbolise.
Plus récemment, l’artiste Jenny Nyström, célèbre pour ses illustrations de lutins et de folklore nordique, a aussi peint Blenda. Elle la montre calme, digne, et pourtant redoutable. Une madone païenne.
Même dans les débats modernes sur le féminisme nordique, le nom de Blenda ressurgit. Elle est citée dans les cercles académiques, notamment autour des droits d’héritage des femmes en Suède.
Et sur internet ? Elle revient dans des blogs d’histoire, des comptes Instagram sur les femmes puissantes du passé, des podcasts sur les légendes oubliées.
En somme, Blenda est devenue une figure culturelle polymorphe. Tantôt héroïne populaire. Tantôt martyre féminine. Tantôt symbole politique. Mais toujours debout. Toujours là.
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